Deux ans après l’appel de Cotonou
Les faux médicaments continuent de dicter leurs lois
La production et la vente de faux médicaments continuent de défier les autorités tant au plan national qu’international en dépit de leur volonté affichée de lutter contre le fléau. Après l’appel des Chefs d’Etat lancé en collaboration avec la Fondation Chirac le 12 Octobre 2009 à Cotonou, on se rend compte deux ans plus tard que seule la volonté ne suffit pas. Il faut passer à l’acte. Ce qui pour le moment fait défaut dans ce combat qui semble perdu à l’avance.
Georges Godwill
Etalage de médicaments aux abords des voies, vendeuses assises à côté, clochette à la main invitant les passants à venir s’en approvisionner. C’est le triste spectacle qu’offre Cotonou à n’importe quelle période de la journée ainsi que la plupart des villes d’Afrique et des pays en voie de développement. Il s’agit de la vente de médicaments à la qualité douteuse. Les populations peu ou pas du tout informées et côtoyant la précarité, accourent vers ces stands de médicaments pour se ravitailler. Malheureusement pour eux, ces médicaments, censés les soulager ou les guérir, compliquent leur mal-être ou entraînent carrément leur décès. A en croire l’ancien président français et président de la fondation qui porte son nom, Jacques Chirac, ‘’200.000 décès par an pourraient être évités, si les médicaments prescrits contre le paludisme étaient conformes à la réglementation et capables de traiter réellement la maladie.’’ Ce chiffre montre à plusieurs égards comment ces molécules, qui s’avèrent être en réalité de faux médicaments, déciment les populations des pays en voie de développement dont celles du Bénin. C’est fort de ces statistiques effrayantes que la fondation Chirac, sur l’initiative de son président a lancé le 12 Octobre 2009, en commun accord avec le gouvernement béninois, l’Appel de Cotonou. Une initiative signée jusqu’à ce jour par onze pays, selon la fondation Chirac, et dont l’atteinte des objectifs à terme contribuera à l’éradication de la production et de la commercialisation des faux médicaments à travers le monde. Mais force est de constater que deux ans après cet appel, rien n’a changé. Les faux médicaments continuent d’envahir les pays en voie de développement et l’on a tendance à croire que les gouvernants ont démissionné. Les populations quant à elles, continuent d’en consommer et en paient au quotidien les frais.
Pourquoi les populations consomment-elles les faux médicaments ?
Les faux médicaments et les médicaments sous-dosés continuent d’exister simplement parce qu’ils s’inscrivent dans le jeu de l’offre et de la demande. L’efficacité de la lutte contre ce fléau passe par des actions à l’endroit des consommateurs, c’est-à-dire des populations, plutôt qu’envers les producteurs dont les laboratoires se retrouvent pour la plupart en Asie et dans les pays de d’Europe de l’Est. Dans ce combat, l’information et la sensibilisation semblent être des armes indispensables que malheureusement les autorités et gouvernements n’utilisent pas pour le moment, du moins pas suffisamment. A titre d’exemple, un grand nombre de Béninois préfèreraient se diriger vers les étalages de commercialisation de faux médicaments pour acheter une plaquette de Paracétamol plutôt que d’aller dans une pharmacie. Tout simplement parce qu’ils pensent qu’à ces points de vente le produit reviendrait moins cher qu’à la pharmacie ; ce qui n’est pas forcément vérifié. En effet, une plaquette de Paracétamol revient au même prix qu’à la pharmacie. A la grande différence que celle de la pharmacie est de bonne qualité et contribue plus efficacement au traitement du mal. Cependant, il faut souligner que généralement les produits à la pharmacie coûtent plus chers que sur les étals des médicaments vendus à ciel ouvert. Cela est dû à plusieurs raisons qui échappent également aux pharmaciens. La présidente du Conseil national de l’ordre des pharmaciens du Bénin, le Dr Toukourou, de passage sur l’émission ‘’Focal’’ de la radio Capp Fm, a laissé entendre que beaucoup d’intermédiaires font grimper les prix des médicaments de même que les Prix Grossistes Hors Taxe (PGHT) auxquels les pharmaciens appliquent leur coefficient, ce qui échappe malheureusement aux gouvernements africains. A ce sujet, il est important que le gouvernement béninois s’implique davantage dans le mécanisme de fixation des prix des médicaments afin que les produits reviennent nettement moins chers aux populations dans les pharmacies.
L’échec de l’Appel de Cotonou
L’Appel de Cotonou lancé depuis plus de deux (02) ans contre les faux médicaments semble n’avoir été qu’une cérémonie solennelle ayant réuni dans la capitale économique béninoise, certains chefs d’Etat et de gouvernement. Pour cause, les Etats qui doivent se mettre ensemble pour lutter contre le fléau traînent encore les pas. Jusqu’à ce jour, selon la Fondation Chirac, seuls onze (11) pays ont signé l’appel. Dans ces conditions, le combat contre les faux médicaments paraît perdu d’avance. Aussi, les Etats signataires peinent à prendre leurs responsabilités. C’est le cas du Bénin où les frontières sont toujours poreuses et favorisent l’importation des faux médicaments. Mieux encore, les vendeuses de ces médicaments continuent d’exposer impunément leurs produits aux abords des principales artères du pays au nez et à la barbe des autorités. C’est à croire que la santé des populations est ignorée. Et pourtant, le texte ayant sanctionné l’accord signé à Cotonou demande aux Etats signataires, de mettre en œuvre, des politiques sécurisées d’accès universel des populations à des médicaments de qualité en accord avec les Objectifs du Millénaire pour le Développement (Omd). De même, l’appel exhorte les chefs d’Etat et de gouvernement, les responsables d’organisations internationales et les Ong à prendre la pleine mesure des enjeux de santé et de sécurité publique liés aux fléaux des faux médicaments et à décider au plan national des mesures appropriées. Il s’agit, entre autres de :
-La mise en application des textes législatifs et réglementaires dans les Etats qui en disposent, et l’instauration d’un cadre législatif et réglementaire là où il fait défaut ;
-La mise en place, sur le terrain, d’instruments efficaces de lutte contre le trafic avec des personnels formés et des dispositifs répressifs adaptés à la réalité du trafic des faux médicaments ; le renforcement des capacités des personnels de santé dans la prévention et la lutte contre les faux médicaments, et la sensibilisation des populations sur les méfaits de ces produits.
Au regard de la réalité sur le terrain, on se rend compte que le Bénin est encore très loin d’atteindre ces objectifs fixés par l’appel de Cotonou. Toute chose qui doit pousser le gouvernement béninois à revoir sa politique sur la santé publique, car le développement économique et social en dépend.
Un étal bien achalandé en faux médicaments
Chirac et Yayi signant l’appel de Cotonou : des lettres restées mortes