Les hommes de Yayi peuvent toujours marcher le jour et crier à tue-tête leur amour pour le Changement et son Prince, le docteur Boni Yayi. Une chose est sûre c’est qu’entre les démonstrations ostentatoires de force et la réalité des foyers et des alcôves, il y a un monde et d’autres contingences. Un monde fou dirait l’autre.
Quant au peuple, il donne lui des signes évidents de fatigue face à ce déferlement médiatique à la gloire du Changement et à son guide. Ainsi pas de journal télévisé ou radiodiffusé sans au moins 5 minutes consacrées non à parler développement, mais plutôt à promouvoir le chef de l’Etat, quand ce n’est pas lui, ce sont ses hommes prétendument en campagne pour la promotion des idéaux du Changement. Bref, une propagande tellement envahissante qu’elle a fini par révolter même les plus timorés de nos concitoyens.
Médias publics instrumentalisés
Dans ce préchi-prècha de mauvais aloi, il n’y a de jour sans que les médias du service public ne soient obligés de servir du Boni Yayi aux téléspectateurs, aux auditeurs ou encore aux lecteurs. Une redondance orchestrée par plusieurs représentants du pouvoir pour promouvoir le Chef de l’Etat au nom du Changement, mais qui est contraire à ce qu’ils pensent en réalité. C’est à la limite si on n’a pas l’impression que c’est une démarche entreprise avec le dessein d’énerver le plus de nos concitoyens qu’on sait allergique à la pensée unique et à la propagande tous azimuts. En effet, il est de notoriété public que le peuple béninois, quoique pacifique, a une sainte horreur de l’injustice ou du harcèlement.
Or manifestement, l’occupation de l’espace médiatique par la mouvance s’opère au détriment de l’opposition qui est mise en minorité, voire brimée. Dès lors, c’est du Yayi au journal de 6h30 tôt le matin, c’est encore lui à midi au journal de 13h 30, et toujours lui, au 20 heures et encore à l’édition de nuit. Bref, une présence quasi stalinienne qui a fini par exacerber la majorité des téléspectateurs qui, aujourd’hui, rêvent d’un autre média des services publics à même de garantir l’équité dans le traitement de l’information. De fil en aiguille, ce qui était une simple réprobation est devenue un véritable désaveu à l’échelle national. Cette réalité n’a visiblement pas été cernée et prise en compte par les hommes de Yayi. Une négligence qui fait boule de neige puisqu’aujourd’hui, la notoriété du Prince du Changement est plus affectée par son omniprésence sur les médias que par ses fautes directes.
De faux conseils et de faux supporters
En fait, le mode de gestion du chef de l’Etat ou plutôt des hommes qui disent le supporter est flou et opaque. En tout état de cause, plus de la moitié des braillards qui chantent à gorges déployées les louanges de l’Emergence du Bénin de jour sont en négociation avec l’opposition la nuit. Ils marchent avec Yayi le matin devant les caméras et démarchent de nuit pour leur positionnement ailleurs. Ils n’ont plus confiance en ce qui se joue sous la houlette du Changement. Ils veulent autre chose et le disent. D’ailleurs, bien qu’en s’affichant en première ligne et dansant comme c’est le cas tous les week-ends, ils ne rêvent que de le voir partir. On ne comprend peut-être pas cette attitude nous autres. Mais il faut en tirer l’analyse qu’ils reprochent tous quelques choses au Chef de l’Etat. A partir de ce moment, Yayi est-il vraiment entouré ? Les plus actifs sont souvent ceux qui comme des musaraignes rasent, la nuit, les murs des états major de l’opposition à la recherche ne serait-ce que d’une promesse, aujourd’hui plus certaine que celles de Yayi. Il y a d’ailleurs longtemps qu’ils ont fait leur deuil. C’est une revanche pour eux de s’afficher en première ligne et de le berner. Ils sont à l’image de la troupe qui abandonne son général en pleine bataille. Avec des gens comme ça il vaut mieux n’être sûr de rien.
Eric TCHIAKPE