Gouverner, c’est prévoir. Aussi banal que cela puisse paraître, il n’en demeure pas moins un véritable casse-tête pour les dirigeants. Loin de combler les attentes des populations une fois arrivés au pouvoir, ces dirigeants rivalisent plutôt en discours démagogiques. C’est pourquoi les populations se sentent laissées pour compte et pensent qu’elles sont sacrifiées sur l’autel des intérêts égoïstes et partisans de ceux qui prétendent leur apporter le bonheur souhaité depuis les temps immémoriaux. Au vu de tout ce qui se passe, la capacité des dirigeants à combler leurs attentes, les défis à relever, etc., les populations ne savent plus à quel saint se vouer, même si tout montre qu’elles deviennent de plus en plus réticentes à voir une certaine catégorie de personnes présider aux destinées de leur pays. Il s’agit des hommes en treillis, fussent-ils en activités ou pas. C’est la même chanson presque partout en Afrique : les gens ne veulent pas de militaires dans l’arène politique. Et c’est à raison que les populations ne veulent de cette catégorie de dirigeants, vu le souvenir qu’ils gardent d’eux à travers le continent.
En Guinée, le cas Daddis Camara démontre aisément comment l’espoir peut rapidement se transformer en désillusion. Les nombreux massacres non encore élucidés et les rivalités qui ont conduit à l’état physique piteux du puissantissime capitaine, sont le témoignage de ce que les militaires offrent aux populations en termes de qualité de gouvernance. Aujourd’hui, la déliquescence de la Centrafrique est symptomatique de la gestion scabreuse du pouvoir conduite par le Général François Bozizé. En Côte d’Ivoire, le général Guéï est passé du héros au zéro, avec toutes les conséquences désastreuses pour ce pays depuis une décennie. Bien que chouchouté et élu constitutionnellement, le général Amadou Toumani Touré a quitté le pouvoir sur la pointe des pieds, suite au coup d’Etat du capitaine Amadou Sanogo qui a fait voler en éclat la démocratie malienne et surtout favorisé la montée de l’islamisme dans le Nord du pays. Au niveau des deux Congo, Denis Sassou N’Guesso et Joseph Désiré Kabila nourrissent d’autres espoirs que ceux prescrits par leur Constitution puisqu’ils envisagent de rester au-delà de deux mandats. Bref, les exemples de ces hommes en treillis qui nourrissent d’autres ambitions éminemment politiques, sont légion. En définitive, les populations ne font plus confiance aux militaires comme autrefois. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que les Hommes intègres du Faso ont tenu bon pour que les militaires ne leur volent leur révolution. Raison pour laquelle ils ont œuvré pour que les militaires qui se sont très tôt érigés en dirigeants après la démission de Blaise Compaoré, passent rapidement la main à un civil pour diriger la transition.
Au pays où tout le monde est politique
L’appétit vient en mangeant, dit-on. Plus on se rapproche de mars 2016, mieux beaucoup de personnes nourrissent l’ambition de succéder au président Boni Yayi. Ce qui semble normal car la sagesse enseigne que c’est celui qui n’a pas goûté au pouvoir qui ne sait que le pouvoir est doux. Aujourd’hui, on est d’abord à trois hommes en treillis qui pensent avoir les compétences requises pour être président en Avril 2016. Les généraux Fernand Amoussou et robert Gbian, et le colonel Tawès. Il y a donc comme un engouement auprès de ces hommes habitués à manipuler les armes. Toutefois, une chose est sûre, c’est que les populations ne sont pas dupes. D’une part, il y en a qui voient en ces militaires, de nouveaux hommes qu’ils peuvent gruger afin d’améliorer leurs conditions de vie, juste le temps des présidentielles et d’autre part, des gens plus conscients qui font une analyse critique de la gestion du pouvoir en Afrique et savent de quoi il est question. Ces derniers, plus nombreux, sont réticents à l’idée de voir un militaire diriger le Bénin. Selon eux, l’expérience de 27 ans du général Mathieu Kérékou suffit largement pour que le pays ne soit plus à la solde d’un quelconque homme en treillis, fût-il colonel ou général. Voilà pourquoi les gens ont beau communiquer pour verser dans de la propagande pour ces militaires, ça ne marchera pas. On l’a vu avec le général François Kouyami. « Monkeys see, monkeys do » (les singent imitent ce qu’ils voient). Ce n’est parce que le Kaméléon a dirigé ce pays pendant 27 ans qu’on peut se croire de sa trempe. Et ils doivent remercier Dieu, s’ils arrivent à avoir 1% des suffrages exprimés.
Akkilou Yacoubou
(Le Canard de la Semaine N°100 du 20/11/2014)